lundi 18 avril 2011

Clair de femme - Romain Gary

     Je ne saurais pas trop dire si cet article va être une «revue» littéraire ou un billet qui me permettrait de régler mes comptes avec certaines idées mais ce qui est certain c’est que la lecture de Clair de Femme, de Romain Gary, a été à la fois un émerveillement et un fardeau personnel.

      C’est l’histoire d’un homme qui aime aimer et d’une femme qui est perdue. Cet homme est en train de voir s’en aller, sous ses yeux, celle qui a été jusque là l’objet de son amour. Celle qui a recueilli cette divination amoureuse qui était un besoin pour lui. Mais elle ne le laisse pas seul. Comme elle est celle qu’il aime elle est aussi celle qui a les moyens de lui offrir sa délivrance. Une délivrance toute relative : car cet homme épris d’amour va tenter, dans une lutte contre ce malheur qu’on nous impose, celui de perdre l’être aimé, de retrouver sa femme, ailleurs. Est-ce bien sa femme qu’il va retrouver? N’est-ce pas plutôt «le couple»? Un couple est-il interchangeable ? La base du couple se trouve-t-elle dans les êtres humains ou dans un amour partagé?

     C’est là que le livre a été difficile pour moi. En fait je n’arrive à l’envisager que comme un roman dramatique. Un homme aime une femme, cette femme disparait, mais il veut toujours aimer et il se doit donc de retrouver sa femme, l’objet de son désir, de son amour. Sauf qu’il ne pourra simplement pas la retrouver. Il va donc la chercher ailleurs, dans une autre femme. Une femme peut-elle en remplacer une autre? Elle est ici, la question tragique que pose ce roman.

     Michel apparait, de façon ambigu, comme un homme qui veut combattre le malheur mais qui finit pourtant par y plonger, ivre mort. C’est parce qu’il ne veut pas s’emprisonner dans le malheur du deuil de sa femme qu’il souhaite aimer, tout de suite, pleinement. Il ne veut pas se laisser avoir par cette obligation morale que lui impose je-ne-sais quelle loi divine, qui voudrait faire de lui un homme malheureux quand il ne désire qu’aimer, rien de plus. Cependant cette lutte l’amène, finalement, à détruire peu à peu l’amour qu’il a pu avoir pour sa femme. Aime-t-on ou aime-t-on quelqu’un? Aimer tout court, bâtir un monument à l’amour où n’importe qui pourrait prendre sa place, n’est-ce pas ne plus aimer, mais simplement désirer aimer? 

     Si cette question m’a semblé pertinente c’est parce que j’y ai été confrontée. Voilà pourquoi je ne peux pas réellement juger de la pertinence générale du propos que tien Romain Gary dans son oeuvre. Parce que ces questions là font échos à des questionnements personnels qui ont été mis, un peu par hasard, sur ma route et qui depuis n’ont pas encore trouvé de réponse. 

     Au delà de cela on note dans ce roman un certain talent pour retranscrire la foule, le flou, la perdition. C’est d’ailleurs perturbant, quelque part : les personnages de roman m’ont rarement donné, autant que lui, l’impression d’être perdu. Peut-être parce que parfois ils le disent eux-même, clairement, et qu’il existe donc une certitude parmi ce flou et ces questionnements. Peut-être parce qu’ici la répétition, l’inlassable litanie à laquelle Michel veut croire renforce le pathétique de ses questionnements. Une répétition qui reste parfois pénible, parfois fantastique. On sent que, par moment, Romain Gary use et abuse peut-être de ficelles qui, si elles sont admirables une fois, deviennent une vulgaire caractéristique technique une fois réutilisées. 

     Même s’il manque parfois de nuance ce roman reste donc une mine d’or personnelle dans laquelle j’irais sûrement me recueillir de nouveau. Ce que je considère être le plus fabuleux de ce roman reste sa fin, en suspens, en interrogation, en marche vers quelque chose (sans savoir quoi). Un drame. Mais qui laisse de l’espoir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire