Laurence Anyways en avant-première surprise

L'article du jour va tenter de rattraper un peu du retard accumulé par la succession de maladie et de semaine en famille pour vous parler de deux petites découvertes : la première concerne le cinéma Jean Eustache, une figure "emblématique" de la distribution cinématographie en gironde. Ce cinéma propose en effet un panel assez varié de propositions culturelles : le festival du film d'histoire, l'université populaire du cinéma pour adulte et pour enfant, une large distribution de film d'animation pour les plus jeunes... Bref, un cinéma actif et qui mérite d'être connu. L'une des activités proposée c'est le concept de l'avant-première surprise : régulièrement, le mardi soir, des curieux se retrouvent pour assister à une séance spéciale, l'avant-première d'un film dont on ignore tout jusqu'à la levée du rideau : le générique. Pour peu que l'on ait un minimum le goût du risque (ou simplement pas grand chose à faire de son mardi soir), le concept est très plaisant.

La deuxième chose dont je souhaitais vous parler est donc bien sûr liée à la première. Il s'agit simplement du film que j'ai donc eu l'occasion de découvrir hier soir, Laurence Anyways, de Xavier Dolan. Une avant-première un peu tardive puisque nous aurons finalement vu le film la veille de sa sortie en salle. Mais une avant-première qui laisse un public généralement satisfait. Le sujet est bien sûr délicat : la transexualité ne bénéficie que de peu de couverture médiatique (si l'on ne s'intéresse pas directement, de soi-même, au sujet). Xavier Dolan avait déjà montré un certain goût pour les """marginaux""", à travers chacun de ses trois films (qui parlent d'homosexualité, de pansexualité, de polyamour...). Il n'est donc pas étonnant de voir aujourd'hui dans son dernier film un personnage principal souhaitant changer de sexe.

Le sujet est traité avec sensibilité et sensualité. Il s'attache moins directement aux questions sociales qu'aux questions personnelles et psychologiques, mais les traite quand même avec une force assez poignante. Le film s'oriente finalement surtout sur la relation qui unit les deux protagonistes du couple, Frédérique, jeune femme qui a décidé d'assumer sa vie telle qu'elle l'entend en s'éloignant le plus possible des normes imposées, et Laurence, professeur de littérature qui se retrouve coincé dans un corps et un sexe qui n'est pas le sien. La révélation est nécessairement un choc pour ce couple pourtant attachant et soudé. Comment assumer un changement aussi immense sans ressentir quelques vagues ? A ce titre, Xavier Dolan démontre, comme souvent, un don photographique très parlant. Personnellement j'adore la manière dont il parvient à illustrer une sensation en image et en musique. Un torrent émotionnel qui prend forme, pour de vrai, dans le salon chic et rangé, ça marque,  c'est puissant. S'il reste toujours un peu de "kitch" dans le rendu graphique il n'en est pas pour autant trop lourd et désagréable. Au contraire, on sent une certaine force dans ce rendu.

Cependant, Laurence Anyways est un film qui traine en longueur. L'histoire en elle-même reste intéressante jusqu'au bout mais la dernière heure donne pourtant l'impression d'être en trop. Était-il utile d'en passer par tant de détour ? Car en effet on a le sentiment que le film se perd un peu dans un entremêlement de considérations niaieuses qui finissent par lasser le spectateur. On s'attend à un tour de force qui n'arrive pas vraiment, ou seulement à moitié. On ressort donc un peu lassé mais conscient d'avoir vu un bon film. Le traitement des personnages est toujours aussi saisissant, qu'il s'agisse des personnages principaux et de leur manière de traiter avec leurs problématiques personnelles, ou qu'il s'agisse des personnages secondaires qui sont, eux, peut-être moins développés mais pourtant toujours juste.

Bref, Laurence Anyways est un film à voir. J'ai été surprise - mais ravie - de voir que c'était le film sélectionné pour cette avant-première surprise. Et j'attends beaucoup des acteurs principaux que j'espère revoir très bientôt !