jeudi 14 juin 2012

"Dallas à l'Elysée", l'affaire qui révèle le sexisme français

"Tiens, et si j'étais moi avant d'être femme de?"
Je ne parle pas souvent de l'actualité sur mon blog mais je devrais peut-être m'y mettre. Je ne suis pas journaliste, je ne suis qu'une fille lambda qui s'exprime à travers un outil de communication massive : internet. Je n'ai pas prétention à véhiculer autre chose que ma petite opinion. Cependant les journalistes (c'est-à-dire les gens qui sont payés par une entreprise (le journal en question) pour diffuser et éventuellement commenter les évènements marquants de l'actualité) ont a priori pour but de donner "autre chose" aux lecteurs que des articles dignes de Voici (ah oui parce que pour moi, Voici n'est pas un journal, mettons nous bien d'accord). 

Récemment j'ai donc été assez sidérée du nombre d'articles postés à peu près à tous les coins du net français à propos... d'un tweet.


En soutenant le dissident PS qui met en difficulté Ségolène Royal aux législatives à La Rochelle, la compagne de François Hollande a déclenché la tempête.


Il y a sans doute plein de choses à dire sur Valérie Trierweiler. Et surtout, tout un tas de trucs parfaitement inintéressants. Car, comme chacun de nous, cette femme, toute première dame qu'elle soit, reste un humain lambda. Une "première dame normale" pour rester sur la vague de son compagnon. Cependant le monde s'agite et parle d'elle, tente de décrypter sa psychologie, commente ses choix. Et ce qui me choque, ce n'est pas tellement qu'on critique le personnage, c'est plutôt que chaque commentaire se fasse en comparaison avec un stéréotype parfaitement arbitraire et souvent bien ridicule, le stéréotype de la Première Cruche. Car ce que révèlent avant-tout les pseudos scandales provoqués par un malheureux tweet, c'est simplement l'esprit français en terme d'attente face à une femme.

Je veux bien croire que la place de Première Dame mette en place certaines obligations diplomatique. Cependant, qu'est-ce que la diplomatie? Est-ce qu'un diplomate doit à tout prix taire son opinion et se cacher derrière ceux qui ont plus d'autorité que lui? Il ne me semble pas. Ne soyons donc pas hypocrite : ce que l'on attend de la première dame, ce n'est pas de la diplomatie, c'est de la bêtise. J'entends des gens dire ici et là que Trierweiler "trahit" l'esprit du PS. Mais cette femme ne représente pas le PS. Elle n'a pas obligation de soutenir des causes qui ne sont pas les siennes, de se sentir assimilée à un parti qui n'est pas forcément le sien. Elle n'a pas non plus à boire les paroles de son compagnon comme un bon petit toutou et à les ressortir en écho aux 4 coins de la France. Ca, ça s'appelle être une potiche, pas être une femme obéissant à quelques règles de diplomatie.


Malheureusement, donc, Valérie Trierweiler remplit assez mal ce rôle d'écervelée. Je ne tiens pas à faire son éloge car je ne connais rien d'elle, mais force est de constater qu'il y a visiblement plus à admirer chez une femme qui affirme son avis propre que chez une femme qui oublie ses valeurs socialistes pour se fondre corps et âmes dans la politique de son mari, quelques soient ses erreurs ou ses dérapages. Voudriez vous, vous, lecteur, être de ceux qui effacent leur idéologie, qui se montrent malléables à souhait jusqu'à être finalement réduit à une ombre ? Croyez vous donc que c'est là un "destin" enviable ? Et si la Première Dame a un rôle à jouer, si elle doit véhiculer une certaine "image positive", n'est-ce pas celle d'une grandeur, d'une puissance personnelle et idéologique, plutôt que celle d'une femme qui aurait peur de s'affirmer en tant qu'humain ? 

Certains le remarquent avec beaucoup de cynisme : Trierweiler ne s'appelle donc pas Hollande. Et alors ? Que peut-on reprocher à une femme qui refuse d'être la "femme de" ? Pourquoi est-ce si dramatique de pouvoir envisager être une femme accomplie sans passer par la case mariage ? 
crêpage de chignon : expression sexiste visant à faire croire que la superficialité est une spécificité féminine

 La façon dont les journalistes s'enflamment autour d'un tweet me laisse à penser qu'en dehors du fait d'exiger de la Première Dame qu'elle soit une potiche, ils ne voient surtout les choses qu'à travers le prisme du sentimentalisme. Parce que femme = coeur = sentiment, et rien d'autre, ni cerveau ni idée, ça ce n'est pas son truc à la femme, c'est bien connu. Je me fiche des intentions réelles de Trierweiler, de même qu'en réalité, je me fiche totalement de ce qu'elle peut bien poster sur Tweeter. Mais d'où vient ce procès d'intention qui lui est fait ? Est-ce bien légitime de faire couler l'encre parce qu'on SUPPOSE qu'elle serait forcément jalousement maladive, une hystérique comme les autres, au fond ?

Ce que révèle tout le bruit fait autour de cette déclaration, ce n'est ni la personnalité de la compagne du président, ni le réel intérêt politique des enjeux de la circonscription charentaise. Tout ce bruit révèle, avant tout, une mentalité bien plus conservatrice que ne pourrait le laisser penser la soi-disant "avancée en terme d'égalité des sexes". Peut-être n'attend-t-on plus de la femme lambda qu'elle se cache derrière son mari. Mais on l'attend toujours, et puissance 10, de la part d'une femme "d'importance", dont l'image se doit d'être "parfaite". On parle donc d'avancée dans l'égalité tout en continuant de voir dans le rôle de la cruche un idéal féminin. Paradoxe, dites-vous?

10 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton article. De la même façon, je me suis demandée pourquoi c'était si choquant pour tout le monde qu'elle ait une opinion différente de celle de Hollande.

    Ok niveau diplomatie c'est moyen, mais si c'est ce qu'elle pense pourquoi pas.

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    1. Merci !
      En fait je ne trouve même pas que son tweet pose des problèmes diplomatiques parce qu'il ne s'agit justement que d'un tweet. Twitter a beau être un espace où on fait des déclarations "massives", il ne s'agit pas de déclaration publique officielles, y'a pas tellement d'enjeu derrière. Et puis en plus elle ne fait qu'évoquer sa sympathie pour le candidat en question, elle ne prétend même pas lui apporter son soutien...

      J'ai surtout l'impression que les médias ont "créé" un scandale là où il n'y avait rien. Donc ça me fait un peu rire qu'on parte du principe que c'est elle qui "fout la merde" x)...

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  2. Pas tout à fait d'accord avec toi cependant. Autant j'applaudis des deux mains sur le fait que la première dame ne doit pas être une potiche (Danielle Mitterrant était d'rxtrême gauche et castriste, elle était assez dure à gérer à l'international mais c'est estimable), s'assumer, assumer ses opinions, garde son travail, moi je dis bravo...

    Là, c'est un peu à part. Femme ou homme est-il acceptable d'humilier publiquement son conjoint parce qu'on est pas d'accord ? Parce que, son tweet, les mots sont choisis faut pas se leurrer. Elle félicite de son engagement désintéressé sur le terrain, se qui fait strictement référence à la campagne dudit candidat qui explique le parachutage de Ségolène dans le but de gagner la présidence de l'AN. C'est donc un vrai soutien qu'elle lui apporte.

    Y a t-il d'autres candidats qu'elle aurait pu soutenir contre l'avis de Hollande ? Sûrement ! Là, comme par hasard il s'agit de l'adversaire de l'ex femme de son mec, ex-femme a qui elle a déjà fait quelques crasses (comme le coup de la bise ou le serrage de main forcé).

    Moi perso, son avis je m'en tape (autant que d'elle ou de Sego), je pense que chaque personne a le droit d'exprimer haut et fort son avis, homme, épouse ou 1er dame. Mais là, clairement c'est pour marquer des points, sans respect pour son mec ou les enfants de son mec. Qu'on ne soit pas d'accord c'est une chose, mais le respect en est une autre (Hollande aurait été une nana, j'aurais le même commentaire)

    Elle est journaliste politique, elle savait parfaitement ce qu'elle faisait et les conséquences médiatiques que cela aurait. Et ça, ça rend le truc pas sain.

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    1. Je ne nie pas du tout qu'il y ait pu avoir des intentions de "vipère" derrière ce tweet.

      Ceci dit l'affaire en elle-même ne m'intéresse qu'assez peu, ce que je remarque surtout c'est les réactions qui se fondent pour beaucoup sur du sexisme. Ce que je remarque c'est ce que je souligne en fin d'article, c'est-à-dire qu'on a beau faire des avancées sociales en terme d'anti-sexisme, on reste quand même, dans ce genre de situation, sur des réactions assez discriminatoires et sexiste. J'ai l'impression qu'on reproche à Trierweiler de contre-balancer le rapport de force habituel. Une femme serait présidente et son mari la déstabiliserai par un message quelconque on soulignerai son incompétence purement féminine et on féliciterai la clairvoyance du mari. Ici c'est l'homme qui est déstabilisé et on reproche la malhonnêteté de sa compagne...

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  3. Je suis complètement d'accord avec toi. J'ai trouvé cette vague médiatique très choquante. Parce que les journalistes se sont focalisés sur sa jalousie (forcément féminine!!) et sur le fait qu'elle n'ait pas d'opinion politique propre.
    Après malheureusement, je pense que ça fait partie du rôle et qu'elle ferait mieux de l'accepter ou de s'en aller comme Cécilia.

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    1. Je ne pense pas qu'on soit obligé de se soumettre à la définition consensuelle du rôle de première dame ! Tant pis si ça fait "scandale", je préfère qu'elle fasse ce qu'elle veut faire sa vie plutôt que de renoncer à ce qu'elle a construit avec son compagnon parce que les autres ne veulent pas que les choses bougent ^^.

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  4. On a fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose, le "summum" étant ce nom ridicule de "Trierweilergate" octroyé par certains sites/journaux, alors qu'elle ne fait pas partie du PS et qu'au final, il n'y a pas mort d'homme. Elle n'a pas (explicitement) critiqué Royal mais soutenu un ami, ce n'était peut-être pas "fin" ou "approprié" m'enfin, elle a le droit de le dire, sans avoir à s'allonger sur un sofa pour expliquer les raisons profondes de son tweet.
    Mes deux centimes.

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    1. Je suis bien d'accord. C'est la médiatisation que je trouve ridicule, même si on devait s'y attendre. Ceci dit je commence à trouver qu'internet (et les réseaux sociaux) font bien mauvais ménage avec une information journalistique intéressante...

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  5. Coucou! Je suis bien d'accord toi quand tu dis que la première dame n'a pas à être potiche ou bien femme du président. Après, son tweet n'avait pas lieu d'être car on sait que son but était plus de blesser Ségolène que de soutenir le candidat dissident :) Bonne soirée à toi :)

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    1. Le jeu politique est fait de déstabilisation ! Elle n'a rien dit contre Ségolène Royale en particulier, je trouve donc que c'est prendre Royale pour une chochotte que de considérer que ce tweet était si problématique. D'autant que le parachutage de Royale est critiquable et critiqué, n'est-ce pas là le boulot d'un journaliste? :)

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